Il y a quelques jours par la voix de Michel Rocard, on nous annonçait la mise en place d'une taxe carbone payée par les entreprises et par les ménages. Cette nouvelle taxe est destinée à nous inciter à réduire notre consommation de produits fossiles (produits pétroliers, charbon), qui permettra une diminution des émissions des gaz à effets de serre. C’est une volonté louable en matière d'environnement...
Mais est ce réellement une mesure juste ?
Cette proposition émise au sein d’un gouvernement de droite par un responsable politique de gauche reconnu amène une atonie générale….la gauche trouve cela bien, la droite aussi, ou du moins semble être d’accord, les partis pour la protection de l’environnement sont aux anges…l’unanimité politique enfin trouvée….il ne devrait donc pas y avoir de souci…
Et pourtant….les gens, cette base, qui a pour partie voté Europe Ecologie lors des élections européennes de 2009 a beaucoup plus de mal à accepter cette idée.
Pourquoi faut–il qu’à chaque fois que les français sont sensibilisés à une problématique majeure, que ce soit la solidarité envers les personnes âgées, la sauvegarde de la sécurité sociale, et aujourd’hui l’environnement, les seules mesures que soient capables de proposer nos gouvernants sont des nouvelles taxes. Je cite quelques exemples : la vignette automobile instituée en 1956 pour financer un revenu minimum pour les personnes âgées, la contribution sociale généralisée (CSG) instituée sous le gouvernement Rocard en 1990 pour financer la sécurité sociale , puis la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) mise en place 6 ans plus tard en 1996 par Alain Juppé , taxe soit disant transitoire aujourd’hui pérennisée.
Une exception à la règle de taxe : à la suite de la canicule de 2003, Jean Pierre Raffarin impose une mesure certes critiquée mais novatrice : la suppression d’un jour férié le lundi de Pentecôte pour aider au financement d’un fond d’aide aux personnes âgées.
Pour faire passer l’idée de cette nouvelle imposition, l’idée du reversement d’un « chèque vert » est avancée. Somme d’argent qui serait reversée aux ménages les plus modestes et qui devrait leur permettre de couvrir la nouvelle dépense générée par la taxe. Si ces ménages arrivent à réduire leur consommation de produits fossiles, le chèque reste acquis, ils ont alors un petit pécule pour se faire plaisir… en consommant, en achetant un nouveau téléphone portable, le dernier écran télé, …autant de produits à la fabrication couteuse pour l’environnement.
Pour tous ceux qui n’auront pas droit au chèque vert, la dépense supplémentaire est évaluée entre 160 et 300 euros par an en moyenne. Ce qui pour les ménages qui se trouveront juste au dessus du plafond d’octroi du chèque vert pourra être très difficile à supporter.
Aujourd’hui, la crise du logement est telle que de plus en plus de ménages trouvent résidence dans des communes de plus en plus éloignées des grandes villes loin de toutes solutions de transport en commun. La crise de l’emploi est telle que de plus en plus de foyers sont aujourd’hui fragilisés, ajouter une taxation supplémentaire est le coup de grâce.
La préservation et la reconquête d’un environnement sain, est d’une importance vitale pour notre société. Cette exigence associée à la conjoncture économique actuelle particulièrement sensible demande des solutions innovantes, peut être révolutionnaires, et ne doit pas être réduite à une simple taxe qui n’aura pas d’autres effets que de braquer les gens contre l’écologie. On n’ose pas imaginer que ce puisse être une méthode habile à quelques mois d’un scrutin régional pour dissuader les électeurs de porter à nouveau leur votre vers des formations politiques qui soutiennent la problématique environnementale….Pousser ainsi les électeurs à rentrer au bercail qu’il soit de gauche ou de droite….
Des solutions il en existe en voici quelques unes, en toute modestie :
- Engager sur 5 ans en lien avec les régions un grand plan de rénovation et d’optimisation des transports en commun : un plan Marshall d’effort national.
- Développer fortement les dispositifs de télétravail grâce aux nouvelles technologies : internet, visio-conférence…
- Taxer fortement les bénéfices des sociétés d’autoroute
- Imposer dans toutes les entreprises et services publics de plus de 50 personnes un plan de covoiturage ou de déplacement en mode « doux » (vélo). Les salariés qui participeraient au covoiturage ou qui se rendent au travail en vélo bénéficieraient d’une heure de travail en moins par mois, par exemple, afin de pallier aux différents pertes de temps induites par le dispositif.
- Revoir les politiques d’aménagement du territoire.
- Pourquoi ne pas réhabiliter les nombreuses lignes ferrées oubliées qui desservaient des zones très rurales dans les temps passés ?.
- Permettre aux constructeurs automobiles de gagner plus d'argent si la consommation de carburants globale diminue.
Bien d’autres idées peuvent être trouvées encore…à décliner sur le court, moyen et long terme
Le mois de juillet 2009 sera donc celui de la taxe carbone, mais aussi celui du travail du dimanche….2 dispositifs totalement antinomiques : le premier est censé entrainer une réduction des déplacements, un changement des modes de consommation, le second totalement le contraire…Autoriser le travail le dimanche va favoriser les grandes surfaces situées aux extérieurs des villes, loin des transports en commun, au détriment des commerces de proximité des centres-villes. Cette mesure va entrainer une augmentation des déplacements.
La protection de l’environnement demande une grande cohérence, imagination et courage dans les choix, aujourd’hui nous en sommes loin.
Christine ESPERT